
Je suis Jehan-le-Boiteux. J’ai voulu habiter en ermite dans une grande forêt de chênes. Alors que d’autres y vivaient comme moi, je vis arriver en l’an 1117 un religieux venu du Périgord. Il nous dit s’appeler Géraud de Sales et voulu nous regrouper pour vivre ici en communauté. Ce fut Etienne qui devint notre premier Abbé.
C’est ainsi que naquit Grandselve…

Je suis Bertrand. En cette année de grâce 1144, alors que le grand Bernard de Clairvaux vint en Pays Toulousain, je le rencontrais et lui fis offrande de mon abbaye : ainsi, ce fut sous le vocable de Notre-Dame de Grandselve que la vie cistercienne s’installa.

Je suis Richard. En ce jour d’avril 1283, j’invite l’évêque de Toulouse et plusieurs prélats à présider la cérémonie de dédicace de notre majestueuse église abbatiale : c’est un magnifique vaisseau de briques long de 100 mètres, large de 20.
Levez les yeux vers les voûtes ! S’en trouve-t-il de plus belles ?

Je suis l’abbaye Notre-Dame de Grandselve. J’ai pris trois siècles pour grandir : me voici en 1476 au centre d’un domaine grandiose fait de villes, granges, terres de cultures, de pâtures et de vignes. Mais tout cela attire la convoitise du roi de France, Louis, qui veut placer des hommes à lui pour bénéficier des rentes de mon immense domaine. C’est ainsi que je vois arriver mes nouveaux maîtres – abbés commendataires- qui se succèderont pendant trois siècles…

Je suis dom Dominique Bermond, prieur de Grandselve avec mes onze frères-moines et une poignée de frères-convers, nous nous attendons à la visite du Maire de la commune voisine qui nous avertit de la conduite prochaine des inventaires demandés par le nouveau Pouvoir. On comptera chacun de nos livres, de nos pièces de mobilier, de nos linges, de nos outils… Comment ai-je réussi à mettre à l’abri les précieux reliquaires et les châsses ? A l’heure où je vous parle, en 1791, nous avons été définitivement chassés et mon cœur se serre en pensant à ce qui adviendra.

Je suis la défunte abbaye Notre-Dame de Grandselve dont on disait qu’elle fut une des plus belles, des plus grandes et des plus rayonnantes du sud du Royaume de France. Pendant les dix-huit années qui suivirent l’affreuse mise en vente, je fus dépecée, démontée, démolie brique par brique, pierre par pierre : anéantie mon abbatiale, abattus mes bâtiments conventuels, dispersés mes cloîtres… Seule la porterie demeure comme le témoin de ce que fut ma grandeur.

Je suis Patrick Froidure. Je suis agriculteur et j’ai acheté un domaine qui porte le nom de Grandselve. J’ignore tout de son passé. J’y cultive le maïs, la féverole et le blé comme mes voisins. Un jour de 1968, j’ai voulu que l’on débarrasse un amoncellement de gravats qui gênait mes cultures. AIors que le bulldozer finissait son travail, j’ai demandé que l’on creuse un peu car j’étais intrigué que des gravats se trouvent sur une terre agricole. C’est là, à un peu moins de deux mètres de profondeur qu’apparurent, magnifiques, intacts, des carrelages : décorant le sol du chœur de l’église, ils attendaient qu’on les découvrît pour faire renaître Notre-Dame de Grandselve.

Je suis un membre de l’association Les Amis de l’Abbaye de Grandselve. Aujourd’hui, je me propose de vous emmener à la découverte de l’abbaye retrouvée. Je vous conterai ce que furent les Sept Siècles de son Histoire.